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Altawabi's blog II
7 février 2009

Elle m'a serré la main mollement, comme le fait

Elle m'a serré la main mollement, comme le fait une femme, en me disant avec un sourire qu'elle "n'était pas très bise." Il avait beau dire qu'il pouvait le faire, lui aussi, c'est elle qui est allée acheter à manger, qui a préparé le repas, fait la vaisselle. S'est occupée de la gamine, la plupart du temps. Elle n'a pas tellement parlé avec nous. Avait l'air soucieuse de ne nous laisser discuter tranquillement. Elle m'a un peu fait l'effet d'une mère, et nous de deux gosses qu'on laisse "jouer" sans les embêter avec des histoires d'adultes. Un peu. Ça m'a amusée, aussi, ce souci qu'il semblait avoir de ne pas passer pour un macho. "Mais non, je vais la faire, la vaisselle." Un peu plus tristement, j'ai souri intérieurement de constater que sans doute il n'échappait pas à la règle, celle qui dit que beaucoup d'hommes intelligents et curieux épousent des femmes avec qui ils n'ont pas tellement de conversations d'ordre intellectuel. Enfin, ç'a été sans doute trop bref pour que je puisse réellement me faire une idée pertinente de la situation, mais je n'ai pas pu m'empêcher de penser à ma mère, qui même sur un sujet qu'elle connaît mal ne serait pas restée à l'écart de la discussion. Ni moi non plus.

C'était étonnant, également, de le voir avec un bébé de six mois dans les bras, qui chantait pendant qu'on parlait et se marrait franchement quand je lui faisais un sourire. C'était touchant, et alors que depuis ce jour de septembre où, sortant du jardin des grands explorateurs à Port-Royal, et méditant les quelques pages de Louis Claferte que j'avais lues un peu plus tôt, l'idée s'était soudain abattue sur moi comme le marteau sur le fer rouge que finalement, peut-être bien je n'avais pas envie d'avoir d'enfants, jamais, et préférais ne jamais ressentir cet amour trop absolu et terrible, me semblait-il, d'une mère pour le fruit de ses entrailles ; alors que depuis ce jour, il me semblait que cette idée dont je n'ai jamais parlé s'était comme malgré moi fermement installée parmi mes détestables certitudes, quand je l'ai vu, lui, avec sa gamine de six mois dans les bras, et que j'ai croisé le regard rieur de la petite qui me faisait rire moi aussi, c'est comme si d'un coup tout s'était envolé. Quand il disait, sans que je comprenne vraiment pourquoi, que "quand on a des enfants, on commence à relativiser", je n'ai pas pu me dire que de toute façon ça ne me concernait pas ; quand Raphaëlle hier précisait en riant, après une discussion sur les enfants uniques, que de toute façon c'était pas sûr du tout qu'elle en ait un jour, des enfants, et que je riais avec elle en acquiesçant, je ne pouvais pourtant pas m'empêcher de revoir le visage radieux et hilare de la gamine qui chantait dans ses bras, et je sentais qu'au plus profond de moi quelque chose n'adhérait pas du tout à mon rire.

On a parlé, et ça m'a fait du bien. Quand je suis allée le voir, j'avais peur que la timidité prenne le dessus comme elle le fait parfois, de ne pas savoir quoi dire, et finalement de me taire. Et je sais que je l'aurais très mal vécu. Ces silences que je ne sais pas rompre ont toujours le goût d'échecs des plus cuisants ; chaque fois j'en suis malade. Mais silence il n'y a pas eu. Peut-être était-ce d'être invitée, de me sentir la bienvenue ; certainement, c'était aussi les effets du chemin que prend doucement ma vie à Paris depuis quelques temps, ce quelque chose en moi qui semble peu à peu s'ouvrir. Parfois, je me demande à quoi ou à qui je dois cet imperceptible transformation. Sans doute lui-même n'y est-il pas étranger. Il est de ceux avec qui, lorsque je parle, j'ai le sentiment surprenant que quelque chose de moi acquiert soudain comme une petite place au sein de l'être, un être qui ne sera jamais vraiment plein (ce serait trop lourd), mais qui est juste assez pour sortir du néant.

(...)


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Altawabi's blog II
  • Naissance d'un nouveau blog, d'un nouveau chez-moi. D'un nouveau moi ? Non. Jamais. Je suis ce que je suis et ce que je traine derrière moi, hein. Comme toujours. Ça, ça n'a pas changé, et ça ne changera pas. Non, c'est juste que... je déménage.
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