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Altawabi's blog II
2 février 2009

La musique souvent me prend comme une mer

Opus 111. Les mots me manquent (problème récurrent.) Probablement, je devrais dire que je trouve ridicule et sans intérêt d'avoir donné pour titre à cet article des mots de Baudelaire. Artifice totalement vide de sens, je crois. Je ne suis même pas sûre d'aimer ce poème... mais non, ce n'est pas ça le problème : plutôt, que je le cite sans avoir vraiment pris la peine de me demander ce qu'il y aurait à en tirer, à en comprendre. Citation pour la citation, non pour la substance qu'elle contient et que je ne prends pas la peine d'en extraire. Tant pis, j'y reviendrai peut-être.

Je voudrais parler de la musique. Ce serait un lieu commun de dire qu'elle parle d'elle-même mieux que moi. La musique, le plus éloquent des silences, si l'on pense le silence comme absence de paroles. Toutes ces choses sans cesse répétées comme des évidences trop simples et surtout trop difficilement dépassables (une fois que l'on a dit ça, il semble que l'on a tout dit) pour ne pas devenir suspectes. Et lassantes.

Que dire d'autre, sur la musique ? Se taire, et écouter ? Mais j'en ai assez de me taire. Mon propre silence m'étouffe. Il faut parler, j'ai besoin des mots, pour ne pas mourir de perplexité. Il faut dire l'étonnement pour ne pas... mais, mourir de perplexité, je veux dire, peut-être, que c'est la perplexité elle-même qui meurt, dans l'absence de parole, ou de désir forcené de paroles. Et l'étonnement. Et d'une certaine façon, c'est ma propre conscience qui mourrait dans le même temps, car une conscience qui n'est plus perplexité ni étonnement n'est plus conscience. Il n'y a plus de recul, de retour sur soi. Et la conscience se fait sommeil, peut-être, ou quelque chose comme ça. J'ai besoin des mots, pour ne pas dormir. Ou peut-être, au moins, de courir après eux. De m'efforcer de les arracher au réel, à la vie. D'arracher à la vie son épaisseur, par les mots. Les mots comme des pinces sur la peau, sur la matière charnelle du réel...

Et la musique ? C'est peut-être pareil. Ce n'est pas en parler de façon théorique qu'il faudrait, c'est en extraire par les mots la matière vivante. Ou vécue, peut-être. Charnelle, encore. Peut-être, finalement, la musique la plus pure est-elle aussi aveugle que la vie non-réfléchie - la vie non-réfléchie, vous savez, lorsqu'on nous dit de se laisser porter, de vivre sans se poser de questions. Mais je crois pourtant que ce sont dans ces moments-là que notre vie nous échappe le plus. Parce qu'à tout abandonner pour se consacrer entièrement à vivre et rien qu'à vivre, la vie, on ne la voit plus. Parce que pour vivre plus on regarde moins. Et on vit sans le voir, sans le savoir. Non, contrairement à ce que l'on dit, je crois que c'est à se regarder vivre plutôt qu'à se plonger dans l'action sans recul que la vie gagne en intensité. Parce qu'alors elle se révèle à nous, dans toute son énigme, qui à chaque seconde vous explose à la conscience, au visage.

Et toujours les mots manquent, pour parler de cette explosion énigmatique de la vie. Ils manquent mais on n'abandonne pourtant pas ; le besoin de mots est insurmontable dans l'étonnement, parce qu'abandonner ce serait renoncer à l'énigme elle-même. L'étonnement face à l'énigme est besoin de mots. Il ne saurait être un état de repos ; il est tension, qui demande sans espoir à être résolue. Résolue, par les mots. Les mots, comme ce qui masque la vie dans son énigme, en posant dessus des étiquettes, dirait Bergson, une grille familière et rassurante. Mais cette résolution-là n'en est pas une, elle n'est qu'un nouveau problème : pour qui voit la vie, le gouffre entre elle et les étiquettes est trop immense et trop insupportable. La vraie résolution, ce serait que les mots cessent d'être des étiquettes, et qu'ils épousent la vie, qu'ils en expriment la matière, au lieu de la recouvrir arbitrairement. Que les mots, ces abstractions, se fassent matière, où gît le réel lui-même. Retour au plus proche du concret par l'abstraction elle-même du langage. Tâche aussi folle qu'exaltante s'il en est.

Et la musique. La "bonne" façon d'écouter de la musique, ce serait de l'écouter comme on regarde la vie même. De laisser son éngime vous exploser au visage, et le besoin de mots vous envahir. Ce que je veux dire par là, c'est qu'il y aurait une autre manière d'écouter de la musique, de l'écouter vraiment (c'est à dire, de n'en faire pas seulement un tremplin vers d'autres pensées), que celle dans laquelle on cherche à restituer au morceau une forme, une tonalité, à en énumérer les instruments... Il s'agirait de l'écouter en cherchant à saisir (par les mots), au plus profond de la musique elle-même, ce que les musiciens appellent son caractère je crois ; en fait, toute la complexité de ce qui est vécu par l'auditeur lorsqu'il est au plus proche de la musique, le plus envahit par elle et elle seule, quand s'estompent au maximum tout souci et affect qui proviendrait d'ailleurs. Se concentrer sur ce qu'il y a de vécu dans la musique, ou peut-être de vivant, lorsqu'on la vit entièrement (ou lorsqu'on est le plus près possible de la vivre entièrement), et sans plus se questionner sur la technique qui a permi au morceau d'acquérir ce caractère, pour s'efforcer de ne saisir que le caractère lui-même, dans sa complexité infinie, qui ne se réduit probablement pas à des techniques, et qui offre à lui seul un champ d'investigation immense.

Si je voulais parler de la musique, alors, de l'Opus 111 par exemple, il faudrait que je m'efforce de dire la vie en moi qui se déroule dans l'écoute de la musique. Me servir des mots pour dire la vie, c'est à dire les détourner de leur rôle d'étiquettes et tenter de parvenir à ce qu'ils recueillent au sein même de leur abstraction la matière concrète de ce que je vis. Peut-être pourrait-on parler ici de poésie. Et dans ce cas, la seule "bonne" manière de parler de la musique, ce serait ça : la poésie.

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  • Naissance d'un nouveau blog, d'un nouveau chez-moi. D'un nouveau moi ? Non. Jamais. Je suis ce que je suis et ce que je traine derrière moi, hein. Comme toujours. Ça, ça n'a pas changé, et ça ne changera pas. Non, c'est juste que... je déménage.
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