Fuite

"Je crois qu'il faut bien se rendre à l'évidence : j'ai arrêté d'écrire.

Je viens de relire un vieux, très vieux [texte.] Un [texte] qui tentait d'analyser, de retracer le cheminement de ce qui s'était passé et se passait alors dans ma tête. Analyse de ce que je vivais alors de l'intérieur, exploration de moi-même, et je n'avais pas peur de plonger toujours au plus loin dans les moindres recoins cette vie interne, pour m'efforcer d'en dégager les mécanismes profonds, à la frontière de la conscience et de l'inconscience. Il s'agissait d'y mettre du sens, et d'apaiser ainsi les interrogations et les pensées tortueuses, spontanées, d'une vivacité mordante, qui fusaient malgré moi dans mon "âme" et me lacéraient l'esprit.

Ecrire, c'était cela. Ça n'avait jamais été rien d'autre. Il ne s'agissait que de rentrer en moi-même, pour accrocher de la clarté à l'insondable. Certains parleront d'introspection. Peu importe.

Ce qui importe, c'est que je n'écris plus. Que cela soit à regretter ou à accueillir avec joie, je ne saurais le dire. Mais à la lecture de [ces vieux mots], tout est devenu clair. Et sans doute ce texte est-il, d'une certaine manière, le tout dernier que j'ai écrit. Oui, l'arrêt de l'écriture coïncide à peu près avec le moment de [sa rédaction.] En témoigne la tentative ratée, un peu plus tardive, d'ajouter à la fin quelques paragraphes, qui ne parviennent qu'à s'essouffler et meurent finalement sur une béance.

Je me demandais il y a peu ce qui m'avait poussé à faire de la philosophie. Je me le demande toujours, et je crois que cela ne cessera jamais. J'ai toujours plus ou moins ressenti qu'il s'agissait d'une sorte de fuite. Ce que je fuyais ? Ce texte peut-être saura me l'apprendre.

Je me fuyais moi-même. Et je me fuis encore."

[...]

(Automne ou hiver 2007 - Comme quoi, tout ça, je le savais déjà.
La différence, c'est que je ne veux plus fuir.)