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Altawabi's blog II
4 novembre 2008

Désertion

Le nez qui coule. En regardant fumer l'eau chaude dans la tasse, la poudre orange au fond, j'ai tout d'un coup le sentiment de l'étroitesse des souvenirs, et d'une masse énorme, sans contours, comme vide et pourtant extraordinairement matérielle, que je vois se déployer de l'autre côté du précipice, et qui semble me dire : je t'attends.

Je pense à ces bouquins entassés à côté de mon lit, pages cornées, paragraphes entiers soulignés au crayon, ces mots que j'essaye vainement d'assembler sur l'écran, briques creuses d'un édifice de langage sphérique, bulle de cohérence conceptuelle, qui plane à des milliers de kilomètres du monde ; entre ses parois transparentes la composition chimique de l'air reconstitué le rend irrespirable, l'alchimiste s'est trompé de formule ; artificialité fatale de la langue qui rompt avec la vie et avec la pensée, un univers dans l'univers, composition, tricherie, quelqu'un a voulu arrondir les angles et cacher les dysfonctionnements de la logique, mais ils sont là, sous le fard, quelque chose ne tourne pas rond et on ne pourra pas se le dissimuler longtemps. La dissertation est une farce, le sérieux peint ironiquement sur le visage du clown, masque blafard d'une gravité impassible dont une seule grimace suffirait pourtant à dévoiler le matériau : l'absurdité.

Dans un accès de fièvre je pense à l'anéantissement de ces équilibres tenus à bout de bras pour peut-être pas plus que rien. Je vois, l'espace d'un instant, l'indépendance peinte en chiffres sur quatre murs, une cage d'escalier et des horaires entre lesquels c'est enfin le repos. Dans le métro, un type avec un parapluie multicolore lit les Chants de Maldoror, et quelque chose en moi chuchote, réconfort, que moi aussi un jour j'aurai le temps de poser mes yeux sur les mots de milliers de livres et de m'y perdre enfin sans fin, je veux dire : de m'y trouver. Puis je tressaille. Les livres ne sont que dans la main des autres. Qui sait si le refuge encore une fois n'existe pas que parce que demain.

Je regarde par la vitre défiler les câbles sur les parois grises du souterrain. Et je les vois vraiment. Écœurement. Le soir dans mon lit j'ai mal à la gorge et je n'arrive pas à dormir, et le lendemain je décide de ne pas me lever, tant pis. 

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Commentaires
A
Ou tant mieux =)<br /> <br /> Les livres finiront bien dans tes mains un jour... Bientôt.<br /> <br /> Chu.
Altawabi's blog II
  • Naissance d'un nouveau blog, d'un nouveau chez-moi. D'un nouveau moi ? Non. Jamais. Je suis ce que je suis et ce que je traine derrière moi, hein. Comme toujours. Ça, ça n'a pas changé, et ça ne changera pas. Non, c'est juste que... je déménage.
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