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Altawabi's blog II
27 janvier 2007

Tout est calme

Je marchais dans les rues de Quimper ce matin, il était neuf heures et demie, comme on traverse un autre temps. Le bus est arrivé place de la résistance, j'ai regardé par la fenêtre, tout était gris. Ma guitare dans mes pieds me rappelait que deux ans auparavant, j'avais fait ce bond magnifique par dessus quelque fossé boueux, pour atterrir en plein dans ces miroirs que font la pluie. La musique. La musique m'avait happée, arrachée à ma tranquilité de gamine amoureuse en m'attirant irrésistiblement de son regard trop bleu, qui me captivait. Je marchais sur le bord d'un fleuve ce jour-là, mais en regardant les reflets des immeubles dans l'eau, je ne savais pas encore ce que ce vide ondoyant signifierait un jour pour moi : le grand saut dans l'infini qui vous creuse le ventre. J'ai sauté du train en marche, quel courage ! Mais ça n'a été que pour revenir sur mes pas. Brandir une guitare, ce n'était finalement que ce drapeau grisâtre qui se déchire sous le vent. A vous serrer le coeur.

Ce matin pourtant, il me semblait que je plongeais de nouveau dans le vide immense, ivre de la liberté que j'avais cueillie en décidant ne pas fuir cette fois le jour jusque tard sous mes couvertures. J'ai refermé la porte derrière moi, et guitare sur le dos, je suis allée prendre mon bus. Ce n'était pas le bus qui m'emène bêtement au lycée chaque matin. Celui-là, vieil ami, m'emportait sur la mer du où-je-veux-comme-je-veux - peut-être nulle part. Tout était réuni. Ça et la guitare ; mes ailes, en somme. J'ai bien cru m'envoler - avec un sentiment de déjà vu, m'envoler de nouveau, même si je me souviens mal.

Le temps a fait un bond à l'arrivée de la ville. Elle a surgit d'un coup, au tournant d'une rue, et j'ai vue cette place au pied du mont Frugy, l'Odet qui coule de l'autre côté, ces voitures alignées sagement en son milieu. Cette fois je n'étais plus qu'un an en arrière, bien loin de la musique, le vide était partout. Les nuages donnaient à la scène un air de gris printemps breton, l'humidité de l'air faisait luire les pavés comme au temps des averses, quand je me cachais sous ma capuche noire pour ne pas voir le haut de la rue, quand je me laissais croire que cette eau sur mes joues, ce n'était que la pluie. Les voitures étaient là, place n'était pas faite pour ces foules hurlantes qui bercèrent mon chagrin, et pourtant je croyais les entendre. Je revoyais ces quatres mains tendues que je regretterais presque, ces espoirs perdus, ces visages écoeurants de toute l'absence qu'ils déversaient sous les banderoles auxquelles personne ne pouvait croire. De temps en temps passait parmi la masse des visages une guitare, fantôme grimaçant d'une foi aveugle qui m'avait tuée. Je n'ai pas voulu passer tout de suite au bas de la rue.

J'avais du temps. J'ai marché lentement dans la ville et je l'ai regardée, mais je n'y étais pas. Autour de moi tout parlait au passé ; j'écoutais depuis le présent. Tout ce que je pouvais voir n'existait plus depuis longtemps. Je traversais la ville comme un musée, chaque morceau de trottoir n'était que le témoin d'un souvenir bouclé derrière une vitrine. Mes yeux s'écarquillaient. Je sentais sans regrets la froidure des rues en pleurs d'autrefois, je revivais de loin ce temps où chaque pensée était le berceau de la mort, mais où, d'un rare élan de douleur infâme, j'aimais. J'aimais comme on meurt de vivre trop fort. Ce passé gravé sur les pavés de la ville me sautaient à la gorge aussi sauvagement qu'il m'agressait autrefois de l'intérieur, mais cette fois, il se cognait aux murs du présent.

Dans la foule d'hier, quelque silhouette présente. Comme quelque chose qui n'a rien à voir avec le temps, qui ne sait pas où se mettre. Quelque chose qui est partout. Je marche dans la rue. Les pages tournée s'effacent peu à peu. Brouillard du jour le jour, et les regrets à venir qui vous tiennent la main.

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Altawabi's blog II
  • Naissance d'un nouveau blog, d'un nouveau chez-moi. D'un nouveau moi ? Non. Jamais. Je suis ce que je suis et ce que je traine derrière moi, hein. Comme toujours. Ça, ça n'a pas changé, et ça ne changera pas. Non, c'est juste que... je déménage.
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