Avec des boutons dorés

Y'en avait qui avaient un pompom rouge sur la tête. Droit devant, la mer était grise. Grise, grise, grise sans jamais s'arrêter. Le ciel pataugeait dedans, pitoyable. Sur le bord de la route, y'avait ces arbres rabougris qui agonisent sous le lierre, ces fougères rousses trempées de pluie, l'herbe trop verte. Au loin, la mer, fade, de mauvaise humeur. Elle boudait dans son coin. Sur la vitre, de la buée. Ou alors, c'étaient mes yeux qui se fermaient tout seuls, et je voyais flou. Je ne sais pas. Tu aurais vu leur uniforme, n'empêche. J'en veux un pareil. Un pareil pour être en photo avec dans le salon. Moi et mes cheveux longs, moi et mes mollets brousailleux, moi et ce sang qui coule, ces fruits noirs et leur ignoble jus rougeâtre. Le ventre qui gargouille, je l'entends murmurer, sadique, tu n'as pas le droit, tu n'as pas le droit, tu ne l'auras jamais. Eh mais je t'emmerde, saloperie de ventre à la con, je t'emmerde t'entends, je te bousillerais bien à coups de truelle, non, mieux, à coups de poings, c'est ça, à mains nues, je te déchirerai, d'abord la peau, et puis, j'arracherai tout ce qu'il y a à l'intérieur, à mains nues, oui, à mains nues. Jusqu'à en crever. Mais tu as de la chance, ce serait leur faire trop de plaisir. Beaucoup trop. Non, je préfère te porter jusqu'au bout, comme on promène fièrement, tête haute, le plus laid des visages. Ah ! Ce sont eux, que mes mains briseront, ceux qui t'ont donné cette voix, et tu verras, je te ferai taire, il n'auront plus aucun pouvoir sur toi, tu donneras la vie, et je serai fière, fière tu entends, et toi aussi. Et il y aura cette photo, au dessus de la cheminée. Cette photo de toi caché sous un morceau de tissu bleu. Cette photo qui scellera notre complicité nouvelle et indestructible. Oui, tu verras, toi et moi, on leur en fera baver. J'espère qu'ils ne s'en remettront pas.