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Altawabi's blog II
21 novembre 2006

Vivre est cette attente

Voici ce que j'ai pensé : pour que l'événement le plus banal devienne une aventure, il faut et il suffit qu'on se mette à le raconter. C'est ce qui dupe les gens : un homme, c'est toujours un conteur d'histoires, il vit entouré de ses histoires et des histoires d'autrui, il voit tout ce qui lui arrive à travers elle ; et il cherche à vivre sa vie comme s'il la racontait.
Mais il faut choisir : vivre ou raconter. Par exemple quand j'étais à Hambourg, avec cette Erna, dont je me défiais et qui avait peur de moi, je menais une drôle d'existence. Mais j'étais dedans, je n'y pensais pas. Et puis un soir, dans un petit café de San Pauli, elle m'a quitté pour aller aux lavabos. Je suis resté seul, il y avait un phonographe qui jouait Blue Sky. Je me suis mis à me raconter ce qui s'était passé depuis mon débarquement. Je me suis dit : "Le troisième soir, comme j'entrais dans un dancing appelé la Grotte Bleue, j'ai remarqué une grande femme à moitié saoule. Et cette femme-là, c'est celle que j'attends en ce moment en écoutant Blue Sky et qui va revenir s'asseoir à ma droite et m'entourer le cou de ses bras." Alors j'ai senti avec violence que j'avais une aventure. Mais Erna est revenue, elle s'est assise à côté de moi, elle m'a entouré le cou de ses bras et je j'ai détestée sans trop savoir pourquoi. Je comprends, à présent : c'est qu'il fallait recommencer de vivre et que l'impression d'aventure venait de s'évanouir.

Jean-Paul Sartre, La Nausée - que je viens de finir.

Mais c'est ça, il raison, suis-je bête ! - Moi aussi, Lundi matin, j'ai subitement détesté ma vie.
C'est que rien n'est mort cette nuit-là, rien de nouveau n'a commencé - ça, je me le suis juste raconté - et c'est précisément ça, de constater qu'en réalité rien n'avait changé, qui m'a déçue.
Mais alors, tête de bourrique, va, arrête de te raconter des histoires !
Non, vivre, c'est simplement comme lundi : ce n'est rien d'intéressant, rien de différent du jour d'avant.
Vivre, c'est attendre en permanence que la Vie commence - Vivre est cette attente - et la vie ne commence jamais.
Vous trouvez ça triste ? Eh bien, pourquoi donc ? Au contraire ! C'est merveilleux de savoir ça !
Ça vous permet de choisir, en connaissance de cause, d'attendre tranquillement votre vie - une vie d'aventure, je veux dire, une aventure qu'on se raconte - et de savourer, de vivre pleinement cette attente ! Et cela plutôt que de chercher vainement une aventure dans le présent - recherche forcément déçue.
Je préfère cent fois attendre que ma vie commence, plutôt que de persister à chercher dans l'instant quelque chose qui n'existe pas - c'est terriblement désagréable, de sentir qu'on se l'invente, la vie.
Alors qu'attendre... attendre, ça n'engage à rien ; si on l'attend, c'est qu'elle n'est pas encore là, la vie : alors, on ne sait pas encore, on ne sent pas qu'on se l'invente...

Je ne sentirai jamais ma vie passer sous mes doigts comme une caresse, je ne pourrai jamais la saisir à pleines mains et la serrer de toutes mes forces, jamais la regarder dans le blanc des yeux et lui décocher mon plus beau sourire - qu'elle me rendrait, biensûr.
Mais je peux - oui, je peux ! - l'inventer, en sachant que je l'invente ; l'écrire sur du papier, cette aventure de ma vie - après coup ! Et avoir l'impression d'avoir vécu - d'avoir vécu une aventure !
Oh bonheur, oh douceur de vivre (^^) !
C'est pour ça, c'est pour ça : il faut que j'écrive.
Ecrire en attendant...

Oui mais tout de même, me direz-vous - et vous aurez raison - attendre quelque chose qui ne vient jamais, ça peut finir par devenir lassant.
Mais c'est qu'attendre, ici, ce n'est en fait pas attendre quelque chose de précis - c'est attendre rien que pour attendre, et pas pour que quelque chose arrive.
C'est justement savoir que l'attente ne se terminera jamais, alors la rendre belle - mais attendre tout de même, ne pas la nier, elle est là, elle s'impose - attendre parce qu'il n'y a rien d'autre à faire, et mettre des lumières aux fenêtres de l'attente, des girlandes de toutes les couleurs sur ses murs ; attendre et aimer attendre, profiter de l'attente, de l'instant d'attente - c'est cela : profiter de l'instant, mais pas d'un instant de vie - ça n'existe pas -, profiter d'un instant d'attente.



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Altawabi's blog II
  • Naissance d'un nouveau blog, d'un nouveau chez-moi. D'un nouveau moi ? Non. Jamais. Je suis ce que je suis et ce que je traine derrière moi, hein. Comme toujours. Ça, ça n'a pas changé, et ça ne changera pas. Non, c'est juste que... je déménage.
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