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Altawabi's blog II
5 octobre 2008

C'est oublier que toi, t'étais là pour personne et qu'personne n'était là

Comme à leur habitude, les mots ne savent plus trop où se mettre une fois que je me trouve devant cette page avec l'intention de les écrire. Ils couraient pourtant dans ma tête, il y a quelques minutes à peine.

Il y a quelque chose par ici qui commence à sentir l'hiver. Le froid, les arbres qui peu à peu commencent à se dénuder. Et puis comme une ambiance. Une couleur. Une lumière, je ne sais pas. Cela ne sent même pas l'automne. Peut-être que l'automne n'existe pas à Paris. Il fait trop pâle dans cette ville quand la chaleur s'en va pour que le roux et l'or des feuilles, identité de feu de la demi-saison, puissent réellement se faire une place sous les ciels de pluie. Couleurs comme gommées par on ne sait quel voile qui recouvre les rues froides et ne laisse apparaître qu'une douce atténuation des choses. L'hiver, déjà. Et comme au cœur un goût différent, le regard entier qui se transforme, un froid tranquille qui nous mord un peu et nous enlace à la fois, ami, triste ami.

A deux heures du matin aujourd'hui, je marchais d'un pas rapide sur les quais de la Seine, de la tour Saint-Jacques vers le Pont Neuf. Gagner la rue Dauphine et l'asile, chez Marion. Chère Marion. Donnais d'ultimes coups de pieds dans les feuilles à terre, comme à regret, et puis mes yeux qui se perdaient avec reconnaissance sur le vert sombre des coffres fermés des bouquinistes, l'eau noire, l'ombre imposante du palais de justice. Paris, chère Paris. Mais bientôt ça ne serait plus les longues promenades entre Denfert, Le Luxembourg, Saint-Michel et les Halles ; le bouquin qu'on sort du sac pour en lire quelques pages sur un banc, avant de repartir ; les coups de pieds dans les marrons, les heures qui se passent à errer entre les rayons des librairies ; les pensées qui vagabondent à leur convenance sous l'œil attentif de la ville que je ne vois plus, mais que je sens confusément autour de moi comme une présence rassurante et réconfortante. Non. Bientôt ce seraient les trois quart d'heure à rouler sous terre pour gagner l'autre bout de la ville, les bancs de la fac, et ces études dont je ne suis pas encore sûre qu'elles soient tout à fait pour moi. A qui j'en veux de ne pas m'avoir sauvé la vie, de m'avoir laissée aussi seule et vide que le lycée. Je ne sais pas si j'ai eu raison de croire ceux qui me disaient que j'étais faite pour le travail intellectuel. J'ai régulièrement les neurones en ébullition, c'est clair. Mais c'est ma vie qu'ils réfléchissent. Pas cette sacro-sainte (ou au contraire trop décriée) culture que l'on s'applique soigneusement à croire comprendre pour la restituer avec force clowneries. Des acrobates de la pensée, voilà ce que sont les intellectuels. Très amusant. Rien de plus. Heureusement, si l'on met de côté l'aspect scolaire des choses, il y a parfois du bon à prendre, dans ces cours. Peut-être même du très bon.

...

Les études, toujours un sujet qui me retourne. M'angoisse, probablement. N'aurais peut-être pas dû en parler. En oublie ce que je voulais dire, au départ.
L'hiver. Pour moi, le temps de retourner dans ces tristes amphis où l'angoisse me serre le gosier à coups de regarde toute cette culture que tu n'as ni la force, ni même réellement la volonté d'acquérir, pauvre nulle ! enfant gâtée qui n'est même pas capable de tirer profit correctement de ces études que tu as pourtant eu la chance de choisir toi-même, et qui plus est de pouvoir suivre aux frais de tes parents ! - clignement des yeux, on se frappe un coup le front contre le poing pour chasser ces pensées insupportables, puis tâcher de se concentrer un peu sur ce que le prof est en train de déblatérer - qui d'ailleurs est très intéressant, il faut l'avouer.
L'hiver. Pour d'autres, le temps de crever de froid dans la rue, là juste sous mes fenêtres.

Hier, comme je me promenais encore du côté des Halles, me suis faite aborder par un jeune type du WWF qui cherchait des donateurs. Le garçon était sympa, on a discuté un bout de temps, c'était agréable, et remuait une fois de plus en moi cette vieille envie de faire quelque chose, jamais réalisée. J'ai hésité, bien sûr. Mais le type était sympa, convaincant, oui c'est vrai, l'environnement ce n'est pas juste une histoire de pandas, c'est l'avenir des humains qui est en jeu, aussi. Pourquoi cette association là plutôt qu'une autre ? Parce qu'elle a du poids, de réelles solutions à proposer. Parce que l'avenir c'est dès maintenant qu'il faut le préparer, demain il sera trop tard - gloups, je croirais entendre les profs de la fac. Il y a bien quelque chose qui me gênait, mais je ne parvenais pas à saisir quoi. Et puis je ne sais pas, j'ai dû me dire, merde, il a raison, s'il faut faire quelque chose c'est aujoud'hui pas demain, je te connais Juliette, si tu ne le fais pas maintenant tu ne le feras jamais. Alors je lui ai signé un putain de papier pour qu'il tire huit euros sur mon compte tous les mois.

Et puis. Et puis. Je me suis demandé si je n'allais pas regretter, bien sûr. Quelque chose me disait que cette cause n'était peut-être pas la bonne. Je n'avais pas réussi à lui expliquer pourquoi sur le moment. Comment voulez-vous soutenir que l'environnement, ce n'est pas un combat de première importance ? Comment pouvez-vous prétendre que cela ne vous touche pas ?  Pourtant, l'avenir ! Ce beau rêve, beaucoup trop beau ! Depuis quand est-ce que j'y crois ? Un jour, c'est clair, on va se prendre une météorite sur le coin du crâne, ou bien le soleil va exploser, je ne sais pas. Mais ce jour là, ce qui arrivera, on ne pourra rien faire contre. Un jour l'humanité s'éteindra comme une vulgaire ampoule qui pète. Poussières que nous sommes, c'est l'univers qui nous écrasera, pas l'inverse. Et quoi que l'on fasse. Combat absurde. Peut-être par là sympathique.
Mais. Il y a encore un mais. Je crois que je ne trouve pas ce combat assez humain. Les générations futures, oui. Tous ces gens qui ne sont pas encore nés, c'est bien gentil d'y penser. Mais presque trop facile, aussi. Eux qu'on ne croisera jamais sur notre route, qui n'auront jamais pour nous l'épaisseur de personnes individuelles et concrètes, ces autres qui dans leur liberté confrontée à la nôtre nous font peur. Tellement plus simple d'aimer des anonymes, une entité humaine abstraite qu'est la génération future, plutôt que le type qui est là en train de crever sous ma fenêtre, avec son prénom, son visage et son histoire, que je n'ai même pas pris la peine de chercher à connaître. Ou bien cette fille de dix-huit ans qui a un chagrin d'amour et à qui tout le monde ne trouve qu'à dire de se secouer, qu'il y a des gens plus malheureux qu'elle sur terre, plutôt que de la réconforter.
Une planète propre, oui, pourquoi pas. Mais on aura beau vivre sur la planète la plus propre et la plus belle du monde, ça n'empêchera jamais que des gens crèvent de faim parce que certains accaparent les richesses au détriment des autres, que les peuples se déchirent, que les ados se suicident parce que la vie leur semble trop difficile à vivre, que certains ne parviennent jamais à se faire une place au sein de la société et passent toute leur vie dans une solitude et un abandon odieux, que, que...
Et puisque de toute façon cette planète, elle explosera un jour, je me demande si je n'aime pas mieux la laisser exploser, et tâcher plutôt d'améliorer un peu le sort de ceux qui y vivent, tant qu'ils y vivent.

- Et là, ma vieille, t'as plus qu'à joindre le geste à la parole. Pas sûr que tu le fasses, hein, p'tite enfoirée. Je l'sais bien, va.

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Altawabi's blog II
  • Naissance d'un nouveau blog, d'un nouveau chez-moi. D'un nouveau moi ? Non. Jamais. Je suis ce que je suis et ce que je traine derrière moi, hein. Comme toujours. Ça, ça n'a pas changé, et ça ne changera pas. Non, c'est juste que... je déménage.
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