- Tu te souviens de l'histoire de la figue ?
"La
vie est une figue pourrie, grouillante de vers, pétrie de moisissures,
dont l'odeur pestilentielle n'est qu'un pâle avant-goût de la saveur,
entre toutes répugnante - et moi, moi je veux mordre dedans de toute la
force de ma misérable mâchoire, y briser jusqu'à mon dernier croc,
sentir brûler sur mes papilles jusqu'à la dernière particule de sa
chair infâme. Et aimer ça !"
Je pars demain. Je n'ai jamais aimé partir, de nulle part, même des endroits que je déteste.
Et pourtant, toutes ces choses qui n'ont pas bougé ici, cela me fait peur. Je suis contente de les avoir quittées ; de ne pas les retrouver quand je reviens. Contente que tant de choses dans ma vie aient changé mille fois, quand la leur semble n'avoir pas bougé.
Je me suis rarement sentie aussi écartelée. Il est inévitable qu'un petit bout de moi soit resté coincé ici, sur un rocher couvert de moules. Et il me semble qu'il y en a tant d'autres un peu partout, c'est vrai : je ne suis nulle part.
Alors, oui : je m'en sens un peu perdue, ou fragile peut-être, vaguement en danger, comme sans garde-fou si je venais à tomber ; mais, tellement libre, aussi...
- Cette vague angoisse en regardant les fusées exploser magnifiquement sur le ciel noir ; c'est cela la vie, tu crois ?
(Et les accordéons, les accordéons.)