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Altawabi's blog II
21 février 2008

Morceau(x), I

[Je ne peux pas réclamer à être entendue, comme je ne peux pas réprimer le désir que j'ai de l'être.]

Je crois qu'il faut bien se rendre à l'évidence : j'ai arrêté d'écrire.

Je viens de relire un vieux, très vieux fichier word. Un fichier qui tentait d'analyser, de retracer le cheminement de ce qui s'était passé et se passait alors dans ma tête. Analyse de ce que je vivais alors de l'intérieur, exploration de moi-même, et je n'avais pas peur de plonger toujours au plus loin dans les moindres recoins cette vie interne, pour m'efforcer d'en dégager les mécanismes profonds, à la frontière de la conscience et de l'inconscience. Il s'agissait d'y mettre du sens, et d'apaiser ainsi les interrogations et les pensées tortueuses, spontanées, d'une vivacité mordante, qui fusaient malgré moi dans mon "âme" et me lacéraient l'esprit.

Ecrire, c'était cela. Ça n'avait jamais été rien d'autre. Il ne s'agissait que de rentrer en moi-même, pour accrocher de la clarté à l'insondable. Certains parleront d'introspection. Peu importe.

Ce qui importe, c'est que je n'écris plus. Que cela soit à regretter ou à accueillir avec joie, je ne saurais le dire. Mais à la lecture de ce vieux texte, tout est devenu clair. Et sans doute ce texte est-il, d'une certaine manière, le tout dernier que j'ai écrit. Oui, l'arrêt de l'écriture coïncide à peu près avec le moment de son écriture. En témoigne la tentative ratée, un peu plus tardive, d'ajouter à la fin quelques paragraphes, qui ne parviennent qu'à s'essouffler et meurent finalement sur une béance.

[...]

J'ai tenté de montrer quels avantages elle avait, alors que la philosophie que je préfère, c'est celle qui se moque d'elle-même. Ou plus généralement : celle qui se prend elle-même pour objet. Peut-être par analogie avec ma propre habitude de me prendre moi-même pour objet de réflexion. La philosophie, à l'image de l'être humain, est la seule science (ou matière, discipline) capable d'un retour sur elle-même. Quand on critique la littérature, on ne fait plus de la littérature (pas au sens où l'on critiquerait une oeuvre quelconque, mais la discipline elle-même, en tant que discipline.) Quand on critique la psychanalyse, on ne fait plus de la psychanalyse. Quand on critique les mathématiques, on ne fait plus des mathématiques. Mais quand on critique la philosophie, on fait encore de la philosophie. J'aime la philosophie parce qu'elle me ressemble. "La plus humaine de toutes les sciences", disais-je. Oui.

Mon histoire est celle de mes passions. Passion pour les animaux, passion pour les humains, passion pour la philosophie*. Toutes se rejoignent. Chacune est une forme de lutte contre la solitude. Quand je voulais un chien, quand je voulais monter à cheval, je voulais un double. Un autre moi-même. L'ami selon Aristote, en somme. Après les animaux, je me suis tournée vers les humains, dans la même recherche. J'ai eu avec eux (je citerai évidemment Sam) des temps heureux. Puis d'autres douloureux. C'est en fuyant (oui, c'est une fuite) cette douleur que je me suis alors réfugiée dans la philosophie. La philosophie, pour tout ce qu'elle avait à me dire sur l'être humain, pour sa ressemblance avec lui, pour les espoirs qu'elle me donnait (qu'il me donnait...) à l'égard des relations humaines, pour vivre à travers elle ce qui m'avait blessé dans ma vie.

* On peut noter au milieu de cela une brève passion, qui a fait transition entre les humains et la philosophie, pour la musique. Mais c'était encore la même chose : la musique était d'une part liée à une personne, et l'aimer elle (la musique) c'était l'aimer lui (la personne), et rechercher en lui ce double. D'autre part, je voyais en la musique, et en particulier pratiquée en groupe, une arme formidable contre la solitude : là où les hommes rentrent nécessairement en conflit un jour ou l'autre quand ils discutent entre eux, et ont dans ce cas bien souvent du mal à se comprendre, lorsqu'ils jouent ensemble de la musique tout devient différent : tous tendent alors vers un seul et unique but, participer à faire entendre le morceau qu'ils jouent tous ensemble. Dans cet acte, chacun par son instrument complète les autres, et par l'harmonie de la musique, ils sont comme en harmonie les uns avec les autres. A l' "impossible union des âmes par les corps" dont parlait, je crois, Sully Prudhomme, j'oposerai la possible union des âmes par la musique. Et c'est finalement la même tâche que j'impose maintenant à la philosophie.
J'ajouterai pour clore cette remarque que cette passion pour la musique est morte avec la douleur dans laquelle s'est achevée la relation avec cette personne qui y était liée... cette même douleur qui est à l'origine de la fuite vers la philosophie.

Mais comme Freud a raison de parler de nostalgie de la relation fusionnelle avec la mère, et comme est ridicule celui qui tente de me faire croire que cette nostalgie est moindre chez les femmes que chez les hommes ! Ou alors, si l'on tient compte de tout cela, je ne suis pas une femme.

Finalement, je n'ai pas arrêté d'écrire (ou je m'y remets.) Simplement, l'objet de l'écriture s'est quelque peu déplacé. Il s'agit toujours de ce qui se passe dans ma tête (c'est la condition pour que je considère qu'il s'agisse d'écriture), mais c'est ce qui se passe dans ma tête qui a évolué. Après ces fameux épisodes douloureux qui ont précédé ma découverte de la philosophie, mes pensées se sont déplacées des gens qui m'entouraient, et en particulier des garçons et du sentiment amoureux qui prenait alors toute la place dans mon esprit, vers la philosophie comme nouvel espoir (vain, sans doute) de réponse à la nostalgie - ou solitude, ce qui est la même chose.

J'ai failli dire également qu'avec le temps et l'âge auquel j'arrive se faisait plus pressente la question du sens de ma vie, dans le cadre de laquelle entrait la philosophie en tant, cette fois, que choix de vie ; mais finalement, la question a toujours été présente : à l'image de Rousseau, quand j'étais cette éternelle amoureuse, je croyais dur comme fer que c'était dans l'amour que résidait le sens de la vie. Si je suis moins sûre maintenant, c'est sans doute dû à l'échec de ma première tentative de réponse. Ou plutôt, à mon échec dans ma tentative de me dégager des griffes de la solitude... En fait, si ma vie semble avoir un sens, un horizon, le voilà trouvé : satisfaire ma nostalgie (ah, je suis allée le chercher très loin !) L'amour, la philosophie, ne sont que des étapes dans cette recherche, comme je viens de l'écrire plus haut : mon histoire est celle de mes passions. Le problème étant bien sûr ce fameux principe de réalité qui m'oblige à considérer la philosophie, dans la nature du choix dans lequel elle s'inscrit, non comme une étape, mais comme ma future et éternelle compagne dans la vie active. Là est l'angoisse ; et si elle me décevait à son tour ? Reste la conviction qu'avec ou sans elle, j'irai sans doute, toujours, même (et de toute façon) malgré moi, dans ce même sens qui fuit la solitude. Et dans cette optique, je crois qu'elle a une force que d'autres réponses n'avaient pas : elle me donne conscience, si je sais prendre, avec elle, du recul sur elle-même, que cette course est infinie. Dans ce cas, si déception il y a, ce n'est pas à l'égard de la philosophie (pusiqu'elle m'accompagne dans la prise de recul), mais de la vanité de ma course. Sa force est, je crois, d'être capable de m'accompagner dans la déception, de sorte que rien ne semble pouvoir me détourner totalement d'elle...

[A suivre, dans un temps indéterminé. Ce texte pouvant être considéré comme la suite immédiate du fichier word que j'évoquais au tout début.]

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Altawabi's blog II
  • Naissance d'un nouveau blog, d'un nouveau chez-moi. D'un nouveau moi ? Non. Jamais. Je suis ce que je suis et ce que je traine derrière moi, hein. Comme toujours. Ça, ça n'a pas changé, et ça ne changera pas. Non, c'est juste que... je déménage.
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