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Altawabi's blog II
16 janvier 2007

Coup de poing dans l'estomac

Vous avez remarqué ? Je n'ai pas grand chose à dire, ces temps-ci. Curieusement, c'est quand je vais bien que j'ai le moins de chose à dire - j'avais écrit, un jour, je me souviens, cette phrase qui me vient de je ne sais plus qui : Les gens heureux n'écrivent pas. Ce n'est pas si faux. Je voudrais être heureuse, mais écrire quand même.

J'ai compris ce que bien des femmes avaient compris avant moi. C'est très simple, j'ai commencé par lire Marguerite Duras. C'est elle qui a commencé. Et puis, à l'heure où les livres sont faits pour être vendus, pour rapporter de l'argent - toujours plus d'argent -, la recette est simple. On part d'un peu de Duras déformé, avec des points et des virgules partout, des "oui", "oui", "oui" en début de phrases, des pages de texte incompréhensibles, on écrit d'un trait, comme ça sort, surtout ne pas travailler le style. Jamais ! C'est la pire des erreurs. Après Marguerite, on ajoute, avec nos gros sabots, un peu de psychannalyse à deux francs - oui, j'ai quelques années de retard ^^ -, piochée par-ci par-là, et en ce qui me concerne, directement dans le discours de maman-psy : mon père ceci, ma mère cela, et mon grand-père, complexe de truc-chose, les hommes ont peur des femmes, et caetera (je crois que c'est comme ça que ça s'écrit ^^). Avec ça, un peu de sang, de sexe, le désepoir de n'être qu'une femme et rien d'autre, et puis j'écris, j'écris, j'écris, et j'écris pourquoi j'écris. De jolies formules ensuite, avec des "on dirait", des "ça fait comme" ou des "tout se passe comme si", ça fait bien. On mélange tout ça dans un livre, et le tour est joué. Facile. Combien - combien de femmes - l'ont compris. Regardez-les envahir les librairies. La littérature actuelle, c'est ça.

Ne croyez surtout pas que j'ai fait cette constatation toute seule - oh non. On m'a aidée. Un livre d'un certain Pierre Jourde, qui traînait sur la table du salon, là-bas, dans le jura, chez mamie. Le titre, alléchant : La littérature sans estomac. Ouaw. Je l'ai lu. Pas tout à fait en entier, mais une bonne partie. Et je me suis trouvée forcée de reconnaître qu'il avait, en partie du moins, raison. Aïe. Pas forcément agréable, quand on se reconnaît dans les critiques du môssieur, et quand on a apprécié un livre, lu récemment, de l'une de ces fameuse auteures (oui, avec un e, paraît que ça se fait, maintenant) contemporaines.
Ah, mais soyons juste : monsieur s'attaque aussi à des hommes - tout de même. Force est pourtant de reconnaitre qu'ils utilisent exactement les mêmes artifices que les femmes - prenez, par exemple, Pasacal Roze, prix Goncourt dont j'ai oublié le titre : son héroïne est UNE adolescentE - bizarre... - qui a des "problèmes" avec son père - ...autant qu'étrange.
Mais ne croyez pas non plus que môssieur Jourde se permette de critiquer gratuitement tous les livres qui lui tombent sous la main - on pourrait lui reprocher de trouver toujours quelque chose à redire - oh non ! Son livre est très bien fait, il ajoute aussi un chapitre intitulé "Ecrivains", constitué de critiques positives - voilà peut-être de quoi trouver ce qui fait un livre de qualité, ou au moins, une preuve que cela existe. Mais là, oh, surprise : les auteurs dont il fait l'éloge (quoi que le terme soit peut-être, je l'admets, un peu fort) sont tous... des hommes. Qui l'eût cru.

Vous savez, monsieur Jourde, je suis d'accord avec vous. Ce qu'écrivent ces femmes, ce n'est pas de la "grande littérature". Je ne l'ai même jamais pensé, réalisant tout à fait en lisant Camille Laurens que j'aurais presque pu (et encore, je me demande si le "presque" n'est pas de trop) écrire la même chose. Mais monsieur Jourde, j'ai aimé son livre. Je l'ai aimé, il m'a touchée, moi, en tant que presque femme. Je m'y suis reconnue presque d'un bout à l'autre, vous comprenez. Non, d'ailleurs, vous ne comprenez pas, et vous ne pourrez jamais comprendre, tout simplement parce que vous n'êtes justement pas une femme - et ceci n'est en aucun cas un reproche, simplement une vérité. Vous pouvez peut-être imaginer, mais savoir, non, tout comme vous ne saurez jamais si le bleu que je vois dans le ciel est le même que celui que vous voyez.
Vos critiques sont admirables, très bien écrites, un vrai plaisir à lire. Mais si je vous rejoins tout à fait quand vous dites que la sincérité n'est pas une excuse à la médiocrité, si j'en prends note pour l'avenir, si je déplore comme vous que ces livres soient élevés au rang de chef d'oeuvre de la littérature - ce qu'ils ne sont pas, si je n'adhère pas non plus à cette tendance actuelle qui conduit à toujours trouver "sympathique" chaque livre qui sort et à surtout ne jamais critiquer négativement une oeuvre - eh oui, ça risquerait de mal se vendre -, je ne crois pas par contre qu'un débat sur ce point passe par des critiques aussi véhémentes, aussi passionnées et aussi catégoriques que les vôtres. Car monsieur, s'il faut remettre ces livres à leur véritable place qui est celle, sans doute, d'une "petite" littérature - appelez ça comme vous voulez, littérature de gare si ça vous chante -, je ne crois pas qu'ils méritent un tel châtiment. J'ai pris plaisir à lire votre livre pour la qualité de l'écriture, mais celui de Camille Laurens, j'ai pris également plaisir à le lire, pour d'autres raisons : parce que je m'y suis reconnue, parce que ce qu'elle écrit est peut-être assez banal, et le style peu travaillé, mais ce banal-là, style travaillé ou non, me touchait littéralement en plein coeur - et je sais n'être pas la seule. La souffrance par laquelle est passée l'auteur - car il s'agit bien d'une souffrance réelle, si banale qu'elle puisse paraître, et si banale qu'elle soit -, nous la connaissons toutes, l'avons toutes connue ou la connaîtront toutes un jour, dans toute sa brutalité, crue comme elle l'est, et comme elle est exprimée dans ce livre. Alors, d'accord : peut-être ne s'agit-il pas d'un objet esthétique, d'une oeuvre d'art, quoiqu'il ne me semble pas si simple de définir ce qu'est une oeuvre d'art - disons qu'il ne s'agit pas d'une prouesse d'écriture, au niveau du style, sur ce point au moins nous nous entendons. Il n'en reste pas moins que ce livre m'a touchée comme il en a touché(e)s d'autres : c'est une réalité que l'on ne peut pas ommettre. Et qui donne à ce livre, bien qu'il ne l'élève pas au niveau de chef d'oeuvre de la littérature, une certaine forme de valeur.

Je ne vous reproche pas de remettre ces livres à leur place, bien au contraire. Je vous reproche simplement de les condamner purement et simplement, sans laisser aucune place au dialogue. Vous parlez de réponse, mais de cette manière, vous ne provoquerez que des réponses aussi passionnées que la vôtre, et aussi sourdes à d'autres points de vue. Décidément, non : ce ne sont pas des discours passionnés qui font avancer les débats. Au contraire, il s'agit de tenter d'être objectif, pour trouver un terrain d'entente.

Quant à moi je prends note de vos remarques stylistiques. Je constate ma propre médiocrité, mais je ne sais pas encore si je m'arrêterai là ou non. Je m'efforcerai peut-être d'exprimer tout ce que contient le discours de ces femmes - et un peu le mien jusqu'à maintenant - dans un français esthétique auquel vous ne pourrez plus rien trouver à redire - car les éléments de psychanalyse que contiennent ces livres ne représentent pas qu'un artifice, mais aussi une réalité.
J'ai bien dit : peut-être.
Mais j'ai encore un peu peur que ce soit beaucoup d'énergie dépensée pour pas grand chose - un peu comme celle que vous avez dépensée à écrire votre livre, et moi cet article.

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  • Naissance d'un nouveau blog, d'un nouveau chez-moi. D'un nouveau moi ? Non. Jamais. Je suis ce que je suis et ce que je traine derrière moi, hein. Comme toujours. Ça, ça n'a pas changé, et ça ne changera pas. Non, c'est juste que... je déménage.
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