On a peu parlé ce jour il me semble

Se taire.
Deux fois que la situation est la même.
Une fois ce sont mes doigts figés sur le manche de ma guitare, l'autre fois c'est ma bouche qui ne s'ouvre pas.

Une question est posée.
Pas de réponse.

J'entrouvre les lèvres, tout s'arrête, suspendu.
Je pose un doigt sur une corde, tout s'arrête encore.
Rien ne sort. Rien ne peut sortir. Il n'y a rien, vraiment, rien à dire !
L'air est sec, tout cogne dedans...

Immobile. Le temps est une pierre. Ils me parlent. Je ne suis pas là.
Je me tais. Je me tairai toujours, rien que parce qu'ils me demandent le contraire. C'est ce que je pense alors, et si je me taisais pour de bon. Pour toujours. Se taire.

Ils attendent, ils insistent, ils creusent, mais c'est donner des coups de pelle dans un roc.
A force de frapper c'est la pelle qui va se retrouver broyée.
Plus ils creusent et plus mes dents se serrent.
Ils se lasseront avant moi. Je le sais. Ils se lassent toujours avant moi. Toujours...

Si je finis par parler c'est par les yeux.
Parfois ils deviennent rouges, à peine. Humides, si peu.
Je serre les dents sous les coups de pelle.
A force je ne les sens plus.
Alors parfois mes yeux ne se mouillent même plus.
J'affiche le sourire stupide du silence.
Se taire.

Se taire et s'enfuir derrière ce sourire de façade qu'on leur laisse.
Courir très loin dans les pensées, par la fenêtre là devant, un oiseau qui passe.
Je monte sur son dos.
Là où il m'emmène il y a la mer, il y a le rocher sur lequel on s'assied, le regard qui se perd dans l'eau grise.
A côté de moi il y a quelqu'un d'assis, comme un spectre, une vieille solitude, ou autre chose de plus vrai.
A côté de moi il y a quelqu'un, et il se tait.
Quelqu'un qui sait juste être là et regarder la mer. Et puis c'est tout, rien d'autre.
Pas de mot, à quoi ça servirait.
Simplement, savoir se taire, ensemble.

Et regarder la mer.