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Altawabi's blog II
31 décembre 2008

Paragraphes décousus

Des journées à sortir à intervalles réguliers le portable de sa poche, sous prétexte de regarder l'heure. On appuie sur la touche du centre ; l'écran s'allume, vide. On glisse à nouveau le portable dans sa poche. Comme si de rien n'était. Mais cela a comme un mauvais goût de déjà vu ; d'anciens vides qui vous font signe par dessous votre couverture intérieure d'indifférence, silencieusement, mais comme implacables, à chaque regard jeté sur le petit écran bientôt replongé dans l'ombre. Et on oublie. D'une certaine façon.

Le moindre texto à envoyer me coûte un effort démesuré. Souvent, je renonce. Je crois que je redoute terriblement qu'on ne me réponde pas. Serait-ce si grave, pourtant ? Et je me raisonne : non, ça n'a aucune importance. Ce n'est pas parce qu'on ne répond pas qu'on ne m'apprécie pas ! D'ailleurs, si j'y réfléchis bien, ce texto ne posait aucune question qui attende explicitement une réponse. Il n'y a donc, vraiment, aucun problème. Tout va bien. Oui, vraiment très bien ; j'ai des amis à Paris, dont j'ai à peine des nouvelles, mais je les verrai à la rentrée. Et je passe de bonnes vacances, avec mes parents, mes cousins...
Pourtant grignote par dessous les heures, par dessous les jours, ce silence qui creuse encore la distance et le temps.

J'écoute toutes sortes de musiques. Celles que m'ont fait découvrir ces parisiens, le Winterreise de Schubert ; d'autres de mon enfance, des chansons que chantait ma mère, Moustaki ou Graeme Allwright ; d'autres encore qui me viennent des temps sereins du collège, Alexandre Tharaud qui joue du baroque au piano ; et puis, en vrac, Elliott Smith, La Tordue, quelques chansons de Léo Ferré et de Brassens, Jack the Ripper. Tout se mélange dans la musique : les gens, les temps, les souvenirs, les attachements, les oublis, les proches et les lointains, les vivants et les morts, le lourd comme le léger, et ce dont on ne saurait déterminer le poids.

Comme à mon habitude, j'ai l'impression de m'accrocher de façon pathétique à de bons moments qui s'éloignent peu à peu et que je n'ai finalement aucune certitude de voir se répéter. Etrangement, je m'endormais la nuit dernière en sentant comme une présence concrète auprès de moi, un corps étendu contre mon corps, un souffle doux et régulier, apaisé, un bras doucement posé autour de mes épaules ; je n'étais pas seule. Et pourtant, il n'y avait que moi dans les draps ; moi, et mon imagination étrangement enveloppée dans une sérénité et une chaleur inhabituelles. Pourtant, éveillée le lendemain matin, c'est la conscience de l'absurdité des attachements qui vous saute une fois de plus au visage. Les illusions que l'on se fait sans doute. Il y en a que tu connais à peine ; et l'écran du portable, qui est toujours vide. Mais pense-t-on à moi, là-bas, aux quatre coins de la France et même plus loin ; pensent-ils à moi ceux que j'aime, parfois trop tôt et toujours trop fort, eux que j'aime oui, et qui n'en ont peut-être même pas idée ? Mais à cette douloureuse question, il faudra accepter l'absence de réponse. Je ne peux pas savoir ; je ne saurai pas.

Et c'est toujours la même détresse dans cette tragique fragilité des liens. On voudrait croire que non ; c'est solide. Mais c'est toujours l'incertitude qui plane, infatigable, accablante, au dessus des forteresses de cartes de l'auto-persuasion. Rien n'est sûr, on le sait ; tout se noue, se dénoue, au moindre souffle. Reste à panser les plaies avec patience au gré des dents de scie. Mais il est inutile de fermer les yeux : il n'y a rien de léger dans ces entremêlements d'errances. Ce n'est pas parce qu'elles se répètent inlassablement et peuvent se donner l'air d'habitudes, de lot quotiden, que les blessures ne sont pas graves. Il s'agit de les prendre au sérieux. 

Je me souviens soudain de cette phrase, "ce jour-là, peut-être, il y a aura un p'tit gars pour te tenir la main." Elle avait un goût amer, reçue de la bouche de celui que j'aurais alors aimé voir m'accompagner. Et il n'y a toujours personne. Mais en me promenant entre les murs de la vieille maison d'Abbeville qui a décidément le goût de la folie, je me suis souvenu. Je me suis sentie d'une force incroyable ce soir-là, quand j'ai décidé que jamais plus je ne serai folle. On a regardé des photos ; mes parents étaient beaux dans leur jeunesse, et j'ai soudain senti qu'en ce temps-là ils n'auraient sûrement jamais imaginé devenir ce qu'ils sont devenus maintenant. La roue tourne d'une façon bien étrange ; les promesses de la jeunesse ne se tiennent pas, mais on reste jeune finalement, toujours aussi peu enclin à faire le ménage et à ranger la maison. Tout vieillit mais rien ne change. Devenir adulte, ça n'est pas un commencement. Juste une perte d'équilibre qu'il s'agit de retrouver, différemment, une nouvelle façon de fixer des points dans son univers et de se positionner maladroitement face à ses angoisses. Elles qui nous accompagneront jusqu'au bout, que rien ni personne n'effacera. Mais, qu'on supportera pourtant mieux si l'on n'est pas tout à fait seul ; je veux dire, si la fragilité de certains liens, un jour, se dépasse. Oui, je pensais à cela en regardant par la fenêtre du salon, entre les grands rideaux ; je ne serai plus jamais folle, et finalement les seuls liens qui semblent vraiment avoir quelque chose d'indestructible au-delà des inévitables incompréhensions et des mésententes, les seuls, ce sont ceux de cette ô combien haïe autant qu'aimée famille. Asselin, Ingrid et Boris avec qui l'on rit autour d'un jeu de société, la même affection à peine exprimée mais bien sentie qui se retrouve après des mois et parfois des années de silence. Et lire un soir au coin du feu, tous là sans se parler mais réunis autour de la même bûche qui crépite, c'est un moment si bête, mais qui n'a pas de prix. 

J'aurais tellement de choses à écrire encore, sans ordre ; mais la fatigue me rattrappe.
Futilité de ces attachements à mes amis parisiens et à tant d'autres ; j'ai peur mais nours verrons.
Et un jour, un jour moi aussi j'aurai une famille ; je ne veux pas dire une famille comme à la télé avec la maison le chien la voiture et les trois enfants, non pas une famille pour l'apparence, une comme ça se reconnaît de l'extérieur ; quand je dis une famille, je veux parler de celle qui se vit de l'intérieur, de ces attachements qui prennent racine, de ces fragilités de liens qui se dépassent.

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  • Naissance d'un nouveau blog, d'un nouveau chez-moi. D'un nouveau moi ? Non. Jamais. Je suis ce que je suis et ce que je traine derrière moi, hein. Comme toujours. Ça, ça n'a pas changé, et ça ne changera pas. Non, c'est juste que... je déménage.
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